Dans les coulisses de la création fruitière chez Delbard

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Chez Delbard, créer une nouvelle pomme ou une nouvelle poire, ça paraît simple… et pourtant, c’est un travail de titan qui prend parfois vingt ans ! Au verger expérimental Delbard, à Malicorne, Loriène Borderie, ingénieure horticole et chargée de la recherche fruitière. Elle nous ouvre les coulisses de cette aventure.

Delbard… Une histoire de création !

Loriène accueille les visiteurs avec son petit sourire : « Bienvenue au verger expérimental ! ». Ici, sur une dizaine d’hectares, se concentrent plus de 12 000 hybrides de pommiers, poiriers et cerisiers. Chaque arbre est observé, évalué, noté. Certains disparaîtront vite, d’autres passeront les épreuves et finiront peut-être dans nos vergers ou sur les étals dans vingt ans. « On fait de la recherche pour deux marchés : les professionnels, qui veulent du fruit résistant, régulier, qui se conserve bien… Et les amateurs, qui recherchent souvent l’originalité, la couleur, le plaisir », explique-t-elle. Dans ce carré de verdure, chaque arbre est une promesse, une hypothèse, une graine d’avenir.

Le goût avant tout

Chez Delbard, une règle ne change pas, la priorité c’est le goût. “Qualité organoleptique” disent les chercheurs, mais Loriène traduit ça en mots simples : du sucre, du jus, une texture croquante et agréable. Pour les poires, le défi est double. Elles doivent être bonnes au moment de la récolte, mais aussi après plusieurs mois de frigo. « Une poire, ça s’affine comme un fromage, rappelle-t-elle. On la croque en septembre, mais c’est en décembre qu’elle déploie tous ses arômes. » Le problème, c’est que les consommateurs ne le savent pas toujours. Alors, la recherche vise à créer des poires qui séduisent tout de suite et qui gagnent encore en saveur après affinage. Pas simple !

Une roulette russe horticole

Sélectionner des parents, croiser, attendre… c’est un peu la roulette russe. Entre le moment du croisement et la commercialisation, quinze à vingt ans peuvent s’écouler. En chemin, il faut affronter les aléas. Et ces aléas sont nombreux, gelées tardives, grêle, maladies émergentes, nouveaux ravageurs. « Tous les ans, on a une nouvelle bestiole qui débarque, et c’est la panique », sourit Loriène. Résultat, certains arbres prometteurs s’effondrent, d’autres résistent au-delà des espérances. D’où l’importance de bien choisir les géniteurs, de diversifier les essais et d’avoir toujours quelques cartes dans la manche. Ici, rien n’est laissé au hasard… mais tout dépend quand même de la météo !

Des colonnes et des nains

Si le marché professionnel demande des variétés fiables, homogènes et productives, le marché amateur s’offre plus de fantaisie. C’est là qu’entrent en scène les fameux colonnaires et les fruitiers nains. Nés d’une mutation naturelle repérée sur un pommier ‘McIntosh’ au Canada dans les années 60, ces arbres poussent en forme de colonne, sans grosses branches. L’avantage, c’est qu’on a peu d’entretien, pas de taille compliquée, et un look surprenant. « On peut les cultiver en pot, même sur une terrasse, et au printemps ce sont de vraies colonnes fleuries », raconte Loriène. Chair rouge, feuillage coloré, floraison originale… ces arbres séduisent d’abord par le plaisir des yeux avant celui du palais. Et c’est souvent eux qui partent en premier dans les jardineries.

La patience en règle du jeu

Créer une variété fruitière, c’est aussi accepter la lenteur. Contrairement aux rosiers, qui demandent 6 à 7 ans pour voir émerger une nouveauté, il faut souvent 20 ans pour une pomme. Dix ans d’observations au verger, plusieurs années de tests en conservation, puis les essais chez les producteurs avant le grand saut. Et sur des milliers d’arbres semés, un seul, parfois deux, sortent du lot. « On a des arbres qui font trois fruits et qu’on élimine aussitôt. D’autres se révèlent résistants, productifs, réguliers, et là on se dit qu’on tient peut-être une pépite », explique Loriène. Derrière chaque fruit que nous croquons, il y a donc des dizaines d’années de travail et beaucoup d’essais ratés.

Les défis de demain

Si la création variétale a toujours été une course de fond, les enjeux d’aujourd’hui sont encore plus pressants. Le réchauffement climatique, la biodiversité et les attentes des consommateurs sont devenus des priorités. Produire des fruits savoureux, résistants aux maladies, capables d’affronter les sécheresses comme les pluies diluviennes, voilà le défi. Loriène en est convaincue, l’avenir du fruitier passera par une recherche encore plus fine, mais aussi par la pédagogie. « Les gens doivent comprendre que derrière une pomme ou une poire, il y a une histoire, une équipe, un pari sur l’avenir. » Croquer une Delbard, c’est goûter à un morceau de cette aventure, née à Malicorne mais pensée pour le monde entier.

www.guideconsojardin.com

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